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MON JOURNAL.


tier de l'être vivant. Le jeu combiné d’un corps sur un autre a cessé. L’atome, pris ainsi isolément, reste muet ; le voile retombé, le mystère redevient impénétrable.

Nous restions attristés, mortifiés de notre déconvenue. N’importe, notre esprit avait fait bien du chemin !


Dimanche 18. — Une lettre de Célestine vient de nous remettre, au nom de sa famille, la surveillance de son frère. Il avait été déjà convenu qu’il dînerait régulièrement à la maison deux fois par semaine.

Aujourd’hui, j’ai essayé de le mettre en garde contre les mauvaises tentations qui vont surgir à chaque pas. Je sais bien qu’il y a des heures où les donneurs de conseils risquent fort d’être mal reçus. Dès la première parole, il a feint d’être revenu de son engouement pour Ambroisine. Et moi, pour lui prouver que je n’en croyais rien, je lui ai fait une lecture propre à le dégriser, je lui ai lu du Théocrite. Voilà un homme bien surpris de me voir prendre plaisir à une lecture si sérieuse. Je me suis bien gardé de lui dire que j’avais moi-même grand besoin de mettre le mors à ces malheureuses passions qui, toujours en dessous, nous tiraillent. En me taisant sur mon propre état intérieur, j’aurai plus de chances d'a-