Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/177

Cette page n’a pas encore été corrigée
135
MON JOURNAL.


dit tout le contraire. Les orages du cœur, quand ils viennent tard, ressemblent à ceux de la fin de l'été, ils sont les plus terribles. Heureusement, ils sont courts comme tout ce qui est trop violent.

On voit à la production immense de Voltaire, Rousseau, Diderot — pour ne parler que du dix-huitième siècle — qu’en général, à cet âge, le pôle cérébral décidément l’emporte. Celui qui, jusque-là avait dominé, entre dans un repos relatif. La vie se porte surtout vers le pôle supérieur. Et c’est alors que tombent ces fruits immortels dont l’humanité, d’âge en âge, se nourrit.

Ce serait donc une grande faute que de vouloir trop vite faire usage d’une science de fraîche date. Sans doute, le raisin est dans la cuve et tout ce qui fera un vin supérieur ; mais le vin n’est ni fait, ni bon à tirer. Si vous prêtez l’oreille, un sourd bouillonnement vous dira que ce n’est encore que le travail de la première heure ; la vendange n’est qu’en fermentation.

Le jardinier de M. Vial, me montrant, en mai dernier, un très jeune poirier qui s’était mis en tête de porter déjà des fruits, me disait : « Je ne l’en félicite pas ; j’aimerais tout autant qu’il eût fait encore quelques années le paresseux. Toute sa récolte, je n’en donnerais pas un sou. Voyez-vous, monsieur, quand la sève n’est pas