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MON JOURNAL.


nous y gagner autre chose que de pénétrer plus avant dans la douleur.


Mardi 13. — Hier, dans l'après-midi, faisant entre deux leçons, un tour dans mon jardin par une température douce et humide, je voyais les bourgeons de mes arbres fruitiers tout gonflés comme s’ils étaient près d’éclore. Je leur disais en passant : « Ne vous pressez pas de partir ; demain la neige et la gelée vous ressaisiront. Dormez plutôt bien tranquilles, jusqu’à ce que l’heure du vrai réveil soit venue. » Cette impatience de mes amandiers n’est pas sans rapport avec celle que nous avons de produire. Je revenais en pensée à la plante du Brésil qui, favorisée par un été perpétuel, excitée par la chaleur à travailler sans relâche, n’est pourtant pas si pressée de fleurir. Il ne s’agit pas seulement, pour elle, d’amasser la nourriture par les feuilles et les racines, il faut encore que les principes nourriciers pris dans l’air et dans la terre, soient longuement triturés, élaborés par le tronc à l’intérieur, par l'écorce et les feuilles au dehors, pour arriver à la fleur et au fruit, cet acte final de sa destinée.

De là, ma pensée toujours cheminant, j’ai quitté le règne végétal pour le règne animal. Venant au nôtre, je me suis mis à rechercher à quel âge les hommes illustres du passé ont donné