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MON JOURNAL.


homme. En dedans, j’étais exaspéré. Ah ! si les femmes voulaient se donner la peine d’être bonnes ou encourageantes pour le jeune homme que son inexpérience tient, devant elles, timide et gauche, comme on les bénirait. Mais pour cela, il faut avoir beaucoup de cœur.

Au moment où je me levais pour partir, Blanqui est entré. La curiosité m’a retenu. Je n’avais qu’à écouter et me taire. La première partie de sa conversation a été à peu près ceci : « A bas les romantiques ! » Répondant ensuite, à Mme Montgolfier qui lui demandait des nouvelles de Mme X... et de ses enfants, il s’est mis à disserter, à perte de vue, sur la perversité précoce des femmes, ou, tout au moins, sur leur coquetterie innée. Il citait comme exemple, la petite Alice qui a onze ans à peine : « J’entre un matin dans le salon où je la trouve avec sa mère, et, plaisamment, pour la traiter en grande dame, je lui baise la main. Elle rougit et s’essuie avec son tablier. Le lendemain j’ai l’occasion de revenir. Cette fois, je la rencontre seule dans l’antichambre. Elle vient à moi de l’air le plus dégagé, me tend sa petite main et me dit : « Fais ce que tu voudras ! » Moi, très empressé, derechef je la baise. Alors, elle rentre dans le salon et, avec la contenance d’une femme outragée, elle dit devant tout le monde : « Ce polisson-là vient encore de