Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
MON JOURNAL.

Celui qui croit la messe bonne et n’y va pas est coupable. Moi qui n’y vais pas, j’aime, dans les jours de grande fête, à communier avec la foule que je vois se porter aux églises ou dans les temples. Je le fais en traduisant, pour mieux m’en pénétrer, quelque belle page des philosophes anciens ou une parabole de l’Évangile, celles surtout qui expriment une vérité éternelle dont on peut faire son profit à quelque religion qu’on appartienne.

Parler par allégories, par images à un peuple, n’est pas, comme on l’a dit, un signe de l’infériorité de son entendement. La parabole proposée ne tombait pas devant le peuple juif, comme un germe de pensée ou de foi, mais plutôt comme un fruit mûr arrivant en sa saison et tout prêt à nourrir les âmes qui le cueillaient sur les lèvres divines du Christ. Il le disait lui-même : « Les temps sont venus ! » Quand une révolution politique ou religieuse se traduit par des actes, c’est qu’elle est déjà faite dans les esprits. Depuis, l’humanité a marché et l’inquiétude qui est au fond de la foi la plus sincère, a fait reculer l’horizon. Nous voulons plus ou nous voulons autre chose. Mais n’est-il pas bon, néanmoins, de regarder parfois vers ce passé d’où nous venons, et de nous réchauffer un moment le cœur au sein maternel ?…