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MON JOURNAL.


sait, me serrait dans ses bras. Si j’eusse été moins habitué à ces démonstrations, je l'aurais cru sensible à ma fidélité. On n’entoure que les gens en place, et l'on oublie volontiers ceux qui ne sont plus rien. Je restai un moment avec sa mère, fort mélancolique de la solitude que lui fait la disgrâce de son fils [1].


Samedi 18. — Mon ours vient s’informer du résultat de ma visite. Je lui raconte les finasseries de M. Leclerc pour nous avoir à merci. Il rit de ma belle indignation. — De là, nous passons aux affaires du jour ; je n’avais jamais vu Poret si vif en politique ; mais il est tout aussi incertain que moi sur la route à suivre. La religion a eu son tour, et, tout en disputant, car j’étais d’humeur batailleuse, j’ai senti, une fois de plus, que la controverse n’a jamais converti personne.

Le sujet de notre querelle était à peu près celui-ci : « Sera-t-on récompensé d’avoir suivi une mauvaise religion, si l’on a eu l’intention de plaire à Dieu ? » A mon avis on le sera si l’on

  1. On lit dans les biographies les plus accréditées que M. Villemain, d’abord chef de la division de l’imprimerie et de la librairie, fut nommé maître des requêtes au conseil d’État en 1820 par M. Decazes. Mais celui-ci tomba, précisément, aussitôt après l’assassinat du duc de Berry, arrivé en février 1820. Il y a donc là une erreur. On pourrait croire, d’après ce que dit Michelet, que M. Villemain subit le contre-coup de la disgrâce du ministre qui avait distingué. Mme J. M.