Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/147

Cette page n’a pas encore été corrigée
105
MON JOURNAL.


C’était tout intime, on sentait Dieu à portée. On éprouvait quelque chose de l’émotion attendrie d’un fils qui, habituellement séparé de son père par une distance infinie, le voit peu à peu redescendre, et doucement venir à lui.

______


OCTOBRE


Mercredi 4. — Mon âme, ce matin, était sans ressort et j’attribuais cette paresse d’esprit aux études positives dont je m’occupe. Pour me raviver, je suis allé chez Poret, mais je l’ai trouvé endormi tout autant que moi. Alors, j’ai tourné du côté de Lorrain. Celui-ci était triste. Il m’a appris qu’on allait mettre au concours les chaires de l’Université. Je n’ai rien répliqué, mais j’ai senti, à l’instant môme, se répandre en moi une émotion délicieuse, celle de l’espérance. Je me voyais déjà obtenant une de ces chaires, et par elle, l’indépendance.

En revenant, mon espoir avait fait dans ma tête si bon chemin que c’était le rêve de la Laitière et du pot au lait. N’ayant rien en poche que cet espoir incertain, me voilà décidé à faire de la dépense. Je rentre, j’aborde mon père qui allait