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MON JOURNAL.


J’attendrai quelle ne le soit plus, qu’elle ait gagné plus d’à-plomb, que mon existence soit plus assurée, plus indépendante. Si alors elle songe encore à moi, je pourrai l’épouser. Ce n’est point une décision, car il est possible que cet invincible penchant à la défiance augmente avec l'âge. Dans ce cas, je resterai ce que je suis, c’est-à-dire seul.

Adieu !

J. MICHELET.


P. S. — Fais-lui aussi comprendre qu’un mariage donnerait, actuellement, à ma marraine la seconde place dans la maison. Depuis la mort de ma mère, elle lient notre ménage, et nous a donné tant de preuves de son dévouement !... La déposséder serait de l’ingratitude.

Mardi 29. — Les occasions de s’occuper des autres ne manquent pas. Ce sont le plus souvent des misères cachées à secourir. Hier c’était la jeune parente de notre domestique accouchée depuis huit jours à peine, et qui s’est vue forcée, pour être en mesure de payer la nourriture de son enfant, d’aller travailler à la rivière de son métier de blanchisseuse. La pauvre fille a été séduite et abandonnée. Dans ces occasions délicates, le cœur de Mlle Rousseau est admirable d’ingéniosité pour ménager la légitime fierté de celles qu’elle oblige.