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MON JOURNAL.

Mercredi 9. — Mes élèves ayant composé, hier, pour les prix en discours français, j’ai eu congé toute l'après-midi. J’en ai profité pour faire des visites. M. Bocher, Mme Tassin et Jacob. Cette excellente femme me voyant regarder d’un œil curieux les œuvres de Byron, m’en a offert un volume avec tant d’insistance, qu’il a bien fallu l’accepter.

Je l’ai dévoré. Impossible de faire autre chose. J*étais comme ceux qui boivent des liqueurs fortes. Tout, après, leur parait sans goût. Outre la langueur dans laquelle jettent les romantiques, celui-ci inspire des sentiments peu philosophiques. Tous ses héros sont dans une situation désespérée ; cela est triste et ne sert à rien. Et cependant, je ne pouvais lé quitter. J’aspirais à être au lendemain pour retrouver le calme dans mes études classiques. C’était comme ces nuits pénibles où l’on ne rêve que de crimes.

Jeudi 10. — Tout ému de ma lecture, je cours chez M. Villemain. Déception. 11 était absent. Je tourne du côté de M. Andrieux. Rien de plus triste que celte maison, ce jardin... Je le trouve perdu dans son mysticisme. Il tenait à la main un journal ; j’oublie Byron, la discussion s’engage et je me laisse emporter trop loin. Pourquoi discuter lorsqu’on ne peut espérer convertir ? La