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MON JOURNAL.


m’en dédis pas, mais il est impossible à goûter, si l’on n’est pas très malheureux et complètement isolé. C’est un si parfait détachement que, pour le suivre de l’âme en le lisant, il faudrait rompre tous les liens ; il me semble même, qu’il faudrait encore une cellule.

J’ai été distrait de ma lecture par la rencontre de trois jeunes gens chargés de lourds paquets ; ils suivaient aussi le boulevard. A la peine que j’avais à marcher sans rien porter que mon livre et un léger chapeau de paille, je sentais combien ils devaient fatiguer. Le souvenir des pommes distribuées par Jean-Jacques aux petits savoyards me revenait à l’esprit. Mon intérêt a pourtant diminué quand j’ai su que ce n’étaient pas des conscrits.

Les nombreux vieillards qu’on rencontre sur cette route poudreuse, changeant le cours de mes pensées, je songeais pour ceux-ci aux établissements que ménagent sur les chemins de charitables musulmans. Les voyageurs y trouvent le repas, des rafraîchissements et souvent même, de belles femmes pour les accueillir. Ce n’étaient pas les femmes que je souhaitais à ces pauvres gens de Bicêtre, c’était un comptoir où tous les dimanches on leur distribuerait une boisson rafraîchissante à peu de frais.

Arrivé chez mon ami, je l’ai trouvé mieux