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MON JOURNAL.


AOUT


Mardi 1er — En rentrant de mes leçons, j*ai trouvé MM. Bodin et de Pry qui m’attendaient. La conversation a été trop politique, je me suis trop animé. L’état d’esprit de Bodin m’a conduit, après son départ, à faire une réflexion utile : « Ne nous plaignons pas d’être pauvre. La sagesse doit nous faire «désirer, au contraire, de n’être jamais comblé des faveurs de la fortune. Pauvre, on est riche d’un autre bien, celui d’éprouver le besoin de penser. Qui sait même si la privation du bienêtre matériel n’est pas jusqu’à un certain point, un aiguillon ? Le génie est seul sur la terre ; mais, isolé des individus, il ne s’unit que plus puissamment à l’humanité. » On est pénétré, quand on songe que les grands esprits dont l’influence a le plus servi le monde, ont été pauvres et méprisés. J’aimerais à faire un livre là-dessus.

Revenons aux mathématiques. Bien qu’elles me semblent toujours admirables, je les ai négligées depuis quelque temps pour exercer mon esprit à des études qui occupaient aussi mon cœur. Je suis