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MON JOURNAL.

Sortis de Bicêtre, nous sommes montés vers Villejuif par des chemins assez agréables, et tout en marchant, malgré son état de santé, nous bâtissions des châteaux. Une pyramide qui se dressait devant nous, nous fit gravir la pente pour lavoir de plus près. Point d’inscription. De cette hauteur la vue embrasse un bassin immense. Les tours de Notre-Dame dominent à l’horizon. La route de Villejuif très droite, mais tracée sur un terrain onduleux, semble un long flot tout à coup durci. Entre le chemin qui mène d’Ivry au village des Trois-Moulins et à la barrière Fontainebleau, nous nous sommes assis sous un arbre touffu, pour nous mettre à couvert d’une petite pluie froide qui commençait à tomber. Le ciel était très bas, les hauteurs de Charonne s’effaçaient, noyées dans la brume. Cette pluie tranquille — le vent s’était tout à fait apaisé — ajoutait au calme assoupi de la campagne. L’idée du beau temps se lie tout naturellement, dans notre esprit, à celle du mouvement et de la joie. A travers l’air léger, passe une lumière plus vive qui excite les êtres animés à vivre d’une vie plus gaie, plus bruyante. Maintes fois, j’ai observé dans mon jardin que les oiseaux, les insectes se taisent et se cachent, quand le ciel s’abaisse jusqu’à toucher l’horizon. Alors on pourrait croire la terre inhabitée. Telle devait être la nature dans ses premières