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MON JOURNAL.


flotter mollement le long du ruisseau. D’un côté, j’entends une foule de voix ; ce sont de jeunes y blanchisseuses qui quittent le travail et s’en retournent en se divertissant. De l’autre, je vois mon homme qui prend ses outils, son chapeau et s’en ; va regardant, tous les vingt pas, derrière lui, comme pour admirer son œuvre. . . . .

La nuit tombe tout à fait, les oiseaux se sont endormis, ce sont d’autres bruits qui s’élèvent, la voix des nocturnes. Bientôt, je reprends moi-même le chemin de Bicêtre. Ces plaisirs sont doux, mais ils ne nous valent rien.

P. POINSOT.


MICHELET A POINSOT.


Samedi soir.


Cher ami, ta lettre écrite avec tant d’abandon et de charme me fait regretter cette soirée que tu as passée sans moi en tête-à-tête avec la Nature. Il est des choses auxquelles je songe avec un plaisir infini, surtout aux joies que procure la solitude. Il faudra que nous examinions ensemble le profit que nous en avons déjà retiré. Je ne sais où j’ai lu, peut-être dans l'Imitation : « Je me suis souvent repenti d’avoir été parmi les hommes, jamais d’être resté seul. »