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MON JOURNAL.

que nous appelons la vie intérieure à des études positives. Je sais bien que certaines lectures le distrairaient trop en ce moment des sciences. Mais, lus rarement, sobrement, les stoïciens ne donneraient-ils pas le change à l’amour des femmes ? Il sent, comme moi, qu’avec notre nature et notre âge, il faut toujours un amour. J’ai surpris quelques pages écrites à Melun sur ses mouvements intérieurs. Il y a en lui l’âme d’un ange. S’il était resté dans cet état d’exaltation, sa vie était manquée. Mais il aurait fait un ouvrage éloquent, de l’éloquence de Jean-Jacques.

Mes extraits de l’Évangile lui ont semblé admirables. Ainsi traduits, ils peuvent avoir pour nous un but pratique, celui de nous rappeler des vérités éternelles indépendantes de tout dogme, de toute religion établie.

Dîné hier, entre deux royalistes : MM. Fourcy et Cléau. Rien n’est plus opposé à la santé de l’âme que les réunions nombreuses où les opinions se heurtent d’une façon discordante. Je sais pourtant gré à M. Fourcy de m’avoir fait très bien distinguer le mélancolique, le rêveur, du romantique. Appliquant son raisonnement à plusieurs passages d’Homère, de Sophocle, de Virgile, il m’a conduit doucement à reconnaître le côté faible de mes juge-