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MON JOURNAL.

Nous voilà bien loin de l'éloquence, direz-vous. Vous vous tromperiez ; le style n’est que le mouvement de l'âme. Dès qu’elle aura senti une fois le souffle de vie y pardonnez-moi l’expression, alors, sur tout sujet elle sera capable de s’élever. « Nos âmes, dit Platon, ont de petites ailes ; les passions humaines, le vil intérêt, mouillent ces ailes.... » Ainsi j’ai parlé, sans beaucoup de suite, mais c’était de la plénitude du cœur. »

10 juillet. — Première leçon de mathématiques au lycée Henri IV. Nul esprit philosophique dans M. Doiseuil. Routine. Peut-être, aussi, est-il de la nature des mathématiques de former une chaîne tellement serrée qu’on n’en puisse passer aucune proposition ? L’impatience de Poret était plaisante.

Tout autre que M. Doiseuil, me semble devoir être le jeune maître que je viens de prendre pour les leçons particulières. Il est fort distingué. Il faut passer par l’atelier du père, qui est menuisier, pour aller au fils. Cela m’a plu. Ce père est un brave homme. Avant de savoir pourquoi je venais, il m’offrait un verre de vin.

J’ai vivement senti hier, en trouvant mon premier problème d’algèbre, ce plaisir dont parle Fontenelle, qui fait rire l'esprit. La géométrie et l’algèbre doivent se faciliter l’une l’autre.