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MON JOURNAL.


toujours baisse de niveau, on tombe au libertinage, c’est-à-dire à la mort du véritable amour.

Quant à l'amour de la Patrie, c'est autre chose ; celui-ci nous enlève ! Mais les nobles illusions dont il se nourrit existent-elles encore chez nous ? La base des gouvernements n’est plus que la sécurité. Si c’était le lieu, ici, j’essayerais de prouver que cela doit être. Nous devons au peuple qui nous a longtemps protégés un retour de reconnaissance. Il faudrait, seulement, que l’enthousiasme surnageât au-dessus du point de vue pratique. Ce culte n’existe glus. Le patriotisme, la grande passion de l’humanité, dans laquelle toutes les autres passions devraient se perdre comme les ruisseaux se perdent dans l’Océan, voilà une source inépuisable d’éloquence. Elle se nourrit, non des sentiments qui ont pour objet l’individu, ni même une classe, mais de ceux surtout qui ont le plus grand caractère d’originalité. Plus on abstrait, plus on épure.

Je n’ose vous conseiller de remonter plus haut que l’amour des hommes, vous vivez au milieu d’un monde jeune, peu religieux ou mal religieux. Trop de barrières vous séparent d’un amour plus élevé. Il faut les franchir peu à peu. L’humanité est le passage. L’amour de Dieu suppose plusieurs idées acquises. Pour échelons, la nature a placé en nous la pitié.