Page:Michelet - Mon journal, 1888.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée
58
MON JOURNAL.


rière d’Italie. L'air était très doux. Je ne sais pourquoi, à la vue de cette aimable campagne, mon âme était sans ressort. Comment caractériser la langueur que j’éprouve depuis quelque temps ? Est-ce la chaleur nouvelle ? Est-ce un affaiblissement de la constitution ? Il faudrait à ma santé des ménagements que je ne puis prendre. J’ai peine à me persuader que je ne mourrais pas de consomption. Peut-être suis-je ainsi faible parce que je n’ai pas d’occupations assez attachantes. Je ne mène plus cette vie insensible de la fin de l’hiver où les jours m’échappaient, où je ne sentais l’existence que par les pages que j’avais lues, où je ne vivais pas par moi-même, mais par le livre que je courais. Je ne sens plus ce besoin d’épanchement qui m’a fait commencer si délicieusement le journal de mon enfance. Ce que j’éprouve, à bien regarder, est moins langueur que vide et désœuvrement intérieur. J’ai quelques élans d’amour des hommes, mais plus rares, moins énergiques ; je vaux moins, je me porte moins bien.


MICHELET A POINSOT.


Mardi 4. Visite de Bodin[1].


Me voilà relevé de ma langueur. Je viens d’avoir

  1. Neveu de Mme Montgolfier, il fut un des élèves de Michelet.