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croirais bien tout autant). La nation du reste paraît ici bien moins que l’époque. C’est le temps cruel des guerres, des misères, où l’art sentit, exprima l’attrait pénétrant que la douleur donne à la grâce, ces sourires de femmes souffrantes qui s’excusent de souffrir et voudraient ne pas pleurer.




Le bel et puissant enfant, la magnifique créature, sur qui celle-ci se penche, repose sur un coussin. À peine elle pourrait le porter. Frappante disproportion, qui n’a ici nul sens mystique. Mais l’enfant est de grande race, d’un père qui sans doute appartint aux temps héroïques encore. Et elle, la toute jeune mère, elle est de l’âge souffrant, affaibli et affiné de l’Italie du Corrége. Dernière goutte d’élixir divin, sous le pressoir de la douleur.

Notez aussi qu’aux mauvais temps, la mère, quoique mal nourrie, allaite longtemps son enfant. Et plus il a de connaissance, plus il trouve cela très-doux et moins il veut y renoncer. Elle, elle n’a pas la force de ce grand détachement. Elle s’épuise, elle le sent ; mais elle ira tout de même, tant qu’elle en aura une goutte. Elle s’épuise, elle mourra pour ne pas faire pleurer l’enfant.