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sifs, j’allais dire silencieux, celui-ci au premier aspect me fit entendre un langage. En l’approchant, je croyais par les yeux ouïr encore un écho de ses soupirs.

Les mains, douces et assez fines, n’étaient pas cependant élégamment allongées, comme celles de la dame oisive. Elles étaient moyennement courtes, faites pour la préhension. Elle avait sans doute tenu de petits objets, qui ne déforment pas la main, mais la courbent et la concentrent. Ce devait être une ouvrière, — en linge peut-être ? fleuriste ? Telles étaient les conjectures naturelles. Elle pouvait avoir vingt-huit ans. Ses yeux d’un gris bleu, surmontés de sourcils noirs, assez forts, une certaine qualité du teint, révélaient la femme de l’Ouest, ni Normande ni Bretonne, d’une zone intermédiaire et pas encore du Midi.

La figure était sévère, fière plutôt. Les sourcils arqués fortement, mais non surbaissés, témoignaient d’une personne honnête, nullement avilie, qui avait gardé son âme et jusqu’à la mort lutté.

Le corps, déjà ouvert à l’hôpital, montrait assez au côté gauche qu’une fluxion de poitrine l’avait enlevée. Elle était morte le 21 mars. En retranchant douze jours, nous remontions au mardi gras, au 9 mars. On était tenté de croire qu’elle était une des victimes si nombreuses des bals de cette épo-