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J’ai parfois, en omnibus, rencontré une jeune fille, modestement mise, mais en chapeau toutefois, qui avait les yeux sur un livre et ne s’en détachait pas. Si près assis, sans regarder, je voyais. Le plus souvent, le livre était quelque grammaire ou un de ces manuels pour préparer les examens. Petits livres, épais et compacts, où toute science est concentrée sous forme sèche, indigeste, comme à l’état de caillou. Elle se mettait pourtant tout cela sur l’estomac, la jeune victime. Visiblement, elle s’acharnait à absorber le plus possible. Elle y employait les jours et les nuits, même les moments de repos que l’omnibus lui offrait entre ses courses et ses leçons données aux deux bouts de Paris. Cette pensée inexorable la suivait. Elle n’avait garde de lever les yeux. La terreur de l’examen pesait trop. On ne sait pas combien elles sont peureuses. J’en ai vu qui, plusieurs semaines d’avance, ne se couchaient plus, ne respiraient plus, ne faisaient plus que pleurer.

Il faut avoir compassion.

Notez que, dans l’état actuel de nos mœurs, je suis très-grand partisan de ces examens qui facilitent une existence un peu plus libre, au total, honorable. Je ne demande pas qu’on les simplifie, qu’on resserre le champ des études qui sont demandées. J’y voudrais pourtant une autre mé-