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vivant en plein monde ouvrier, dans les convulsions de Lyon, elle se hasarda pour tous, sauvant tantôt des royalistes, et tantôt des jacobins, forçant intrépidement la porte des autorités et leur arrachant des grâces. On sait l’épuisement terrible qui suivit ces agitations. Vers 1800, il semblait que le monde défaillît. Sénancour écrivit son livre désespéré de l’Amour, et Grainville le Dernier Homme. Madame Lortet elle-même, quel que fût son grand courage, sur tant de ruines, faiblit. Une maladie nerveuse la prit, qui semblait incurable. Elle avait trente ans. Le très-habile Gilibert, qu’elle consulta, lui dit : « Vous n’avez rien du tout. Demain, avec votre enfant, vous irez, aux portes de Lyon, me cueillir telle et telle plante. Rien de plus. » Elle ne pouvait pas marcher, le fit à grand’peine. Le surlendemain, autres plantes qu’il l’envoya recueillir à un quart de lieue. Chaque jour il augmentait. Avant un an, la malade, devenue botaniste, avec son garçon de douze ans, faisait ses huit lieues par jour.

Elle apprit le latin pour lire les botanistes, et pour enseigner son fils. Pour lui encore, elle suivait des cours de chimie, d’astronomie et de physique. Elle le prépara ainsi aux études médicales, l’envoya étudier à Paris et en Allemagne. Elle en fut bien récompensée. D’un même cœur, le fils et la mère, à toutes les batailles de Lyon, pansèrent, cachèrent