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Le gouverneur avait dit, aux premières demandes qu’elle lui adressa : « Que m’importe ! suis-je fait pour leur trouver des femmes ? » — Et cependant tout était là. C’était le secret de la vie, de la perpétuité pour ce nouveau monde. Donc, elle n’hésita pas, cette femme chaste et sainte entre toutes, à se faire l’universel agent des amours de la colonie, le ministre du bonheur. Elle tâchait de bien diriger les choix dans ces mariages rapides. Mais que faire ? elle croyait que, dans une grande solitude, lorsqu’il n’y a pas là des tiers pour intriguer et brouiller, la bonne nature arrange tout ; on veut s’aimer et l’on s’aime ; on s’attache par le temps ; on finit par s’adorer.

Elle travaillait surtout à recomposer les familles. Elle aidait la jeune fille, bien mariée, devenue une maîtresse de maison, à faire venir ses parents. Elle faisait aussi venir d’Angleterre les malheureuses ouvrières à l’aiguille qui déjà mouraient de faim, comme les nôtres aujourd’hui.

La récompense qu’elle trouva, c’est qu’on faillit la tuer. La populace de Sidney trouva fort mauvais qu’elle attirât tant d’émigrantes, qui faisaient baisser le prix des salaires. Des bandits s’attroupaient sous ses fenêtres et voulaient sa vie. Elle parut courageusement, les prêcha, leur fit entendre raison. Ils s’éloignèrent pleins de respect.