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raient. Si parfois le mort revient, il trouve fort bon que son ami ait adopté et nourri sa famille.

N’y eût-il pas d’enfants à nourrir, il est impossible que celui qui aime, que cette femme a rendu heureux, désire, en reconnaissance, la laisser malheureuse pour toujours. Elle dira Non aujourd’hui. Elle croira de bonne foi pouvoir toujours se soutenir par sa douleur et la force de son souvenir. Mais lui qui la connaît mieux qu’elle-même, il peut souvent prévoir qu’un changement violent de toutes habitudes est au-dessus de ses forces, qu’elle va rester désolée.

Ne souffre-t-il pas à la voir dans l’avenir, quand, seule, elle rentrera le soir, ne trouvera personne chez elle, pleurera à son foyer éteint ?…

S’il réfléchit, s’il a quelque expérience de la nature humaine, il songera avec compassion à un mystère de souffrance qu’on traite fort légèrement, mais que les médecins constatent et déplorent. C’est que le besoin d’amour, qui passe vite chez l’homme blasé, au contraire chez la femme pure, conservée, souvent augmente. La circulation moins rapide, une vie moins légère et moins cérébrale, moins variée par la fantaisie, un peu d’embonpoint dont elle est (dans le jeûne et les larmes même) fortifiée, embellie, tout cela l’agite ou l’accable. Le bouillonnement sanguin, la surexcitation nerveuse,