Page:Michelet - La femme.djvu/393

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de santé. L’absorption où elle était, son immobile accablement, avait donné à sa beauté ce qui lui manquait, un luxe admirable. Elle en rougissait, elle en gémissait, et la honte qu’elle avait de ce semblant d’indifférence ajoutait à son désespoir.

C’est un arrêt de la nature. Dieu ne veut pas qu’elle meure, qu’elle se fane, cette aimable fleur. Elle demande la mort, et ne l’aura pas. La vie lui est imposée. Elle est obligée encore de faire le charme du monde. Celui même qu’elle veut suivre lui défend ce sacrifice. L’amour qui avait mis sur elle tant d’espoir et tant de vœux, qui a tant fait pour développer son cœur et faire d’elle une personne, n’entend pas enfouir tout cela, ni l’entraîner dans la terre. S’il est le véritable amour, il lui permet, quelquefois lui enjoint d’aimer encore.

Dans nos populations des côtes, supérieures à tant de titres, j’observe deux choses : que la femme, souvent inquiète, toujours préoccupée de son mari, l’aime et lui est très-fidèle ; mais qu’aussitôt qu’il périt, elle contracte un second mariage. Chez nos marins qui vont à la pêche dangereuse de Terre-Neuve, ceux de Granville par exemple, dans cette vaillante population où il n’y a pas d’enfants naturels (sauf ceux d’émigrants étrangers), les femmes se remarient immédiatement, dès que l’homme ne revient pas. Il le faut ; autrement, les enfants mour-