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s’irritait de ces refus, à qui ils ont le plus coûté.

Elle, elle n’a qu’une parole. Elle revient à lui tout entière. Au jour marqué par la promesse, il en veut l’accomplissement. « Mais, mon ami, le travail ne doit-il point passer avant ? Ce temps gris, léger, voilé des gazes d’un brouillard transparent, est si joli pour la vendange ! Hâtons-nous. Un doux soleil pâle qui va percer tout à l’heure, jetant un dernier regard sur la grappe ambrée, en ôtera la rosée. C’est le moment de cueillir. Bien entendu que, ce soir, nous ne nous séparerons plus. Il fait moins chaud, je te reviens, et je veux me réfugier auprès de toi pour l’hiver. »

Ceci, c’est la joie de tous. Les singes, en certains pays, les ours, s’enivrent de raisin. Comment l’homme pourrait-il n’avoir pas la tête ébranlée ? L’ivresse a déjà saisi celui-ci avant d’avoir bu. Elle le calme. « Doucement, doucement… Donnons-leur le bon exemple, et travaillons, nous aussi. »

Nulle occasion plus aimable de fraterniser. Tous sont égaux en vendange, et la supériorité n’est qu’aux bons travailleurs. C’est un grand bonheur pour elle de faire avec tout un peuple la Cène de l’amitié ! Que tous viennent, et même encore ceux qui n’ont rien fait, s’ils veulent. Elle en sera reconnaissante. Elle connaît le village, et sait bien