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as raison ; en effet, chez nous, n’est-ce pas chez toi ? » — On n’ose plus respirer. La mère, avec discrétion, sans l’effrayer, jette des miettes. Et lui, nullement humilié, ayant picoté, et même approché un peu du foyer, s’envole, et laisse cet adieu : « Au revoir, mes bons petits frères ! »

Si l’heure du repas n’approchait, la mère aurait beaucoup à dire. Mais il faut bien vous nourrir, vous aussi, petits rouges-gorges.

Au dessert, elle leur explique le banquet de la Nature, où Dieu fait asseoir tous les êtres, grands et petits, les plaçant selon l’esprit, l’industrie, la volonté et le travail, mettant très-haut la fourmi, très-bas tel géant (rhinocéros, hippopotame). Si l’homme siége à la première place, c’est par une chose unique, le sens de la grande harmonie, et l’amour du divin Amour, la tendre solidarité avec tout ce qui en émane, le sublime don de Pitié.

Ces discours pourraient glisser. Ce qui les fait entrer au cœur, ce qui pour les enfants émus grave cette heure dans le souvenir, c’est que devant eux les parents consomment l’acte de fraternité que la prière de la mère a préparé le matin. Le travailleur, pour son frère, donnera de son travail, donc, de sa vie et de son âme. Elle l’embrasse, les yeux humides. Et la table est sanctifiée.

Assez pour un jour. Seulement, enfants, réjouis-