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Je vous dirai ce que j’ai vu à Hyères, en Provence, dans un magnifique jardin. Il était planté d’orangers, bien soignés, convenablement espacés, dans la meilleure exposition ; ils n’avaient point à se plaindre ; dans ce pays, où l’on aime à entremêler les cultures, on s’était abstenu pourtant de mettre aucun plant entre eux, aucun arbre, aucune vigne qui pût leur faire tort. Seulement, quelques bordures de fraises se voyaient le long des allées. Fraises admirables, délicieuses, parfumées. Comme on sait, elles ont peu de racines ; elles tracent à la superficie, et traînent, sans enfoncer, leurs faibles et grêles chevelures. Cependant les orangers languirent et devinrent malades. On s’inquiéta, on regarda ce qui pouvait les chagriner. On eût tout sacrifié. On ne soupçonna jamais que les innocents fraisiers fussent la cause de la maladie. Ces arbres robustes eux-mêmes, si on les eût consultés, n’auraient pas, je crois, avoué que leur énervation tint à si petite cause. Ils ne se plaignirent pas, moururent.

À Cannes, non loin de là, on sait que l’oranger n’a force que là où il est solitaire. Non-seulement on ne lui donne aucun camarade ni grand, ni petit, mais, avant d’en planter un, on fouille d’abord le terrain à huit pieds de profondeur. On le fouille par trois fois pour savoir s’il est net et vide, s’il ne