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canaux desséchés sourient à mesure que l’eau gazouillante les visite et les rafraîchit. La plante rit de tout son cœur quand cette onde salutaire mouille le chevelu de sa racine, assiége le pied, monte à la feuille, incline la tige qui mollit, gémit doucement. Spectacle charmant, scène immense d’amour et de volupté pure. Tout cela, c’est la grande Isis, inondée de son bien-aimé.

Il travaille le bon Osiris. Il fait l’Égypte elle-même. Cette terre, c’est son enfant. Il fait la culture d’Égypte. Il lui engendre les Arts sans lesquels elle eût péri.

Mais rien ne dure. Les dieux s’éclipsent. Le vivant soleil de bonté qui sema au sein d’Isis tout fruit, toute chose salutaire, il a pu tout créer de lui, sauf le temps, sauf la durée. Un matin, il disparaît… Oh ! vide immense ! où donc est-il ? Isis, éperdue, le cherche.

La sombre doctrine, répandue dans l’occident de l’Asie, que les dieux même doivent mourir, ce dogme de la Syrie, de l’Asie Mineure et des Iles, n’eût pas dû, ce semble, approcher de cette robuste Afrique, qui a un sentiment si fort et si présent de la vie.

Mais, comment le méconnaître ? Tout meurt. Le père de la vie, le Nil tarit, se dessèche. Le soleil, à certains mois, n’en peut plus ; le voilà défait et pâle ; il a perdu ses rayons.