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L’antique lamentation d’Isis, cherchant son Osiris, n’a jamais cessé en Égypte ; le long du fleuve, à chaque instant, vous l’entendez recommencer.

Cette lamentation, on la retrouve peinte, sculptée, par tout le pays. Qu’est-ce que ces monuments de deuil, ce soin infini de sauver ce qu’on peut sauver, la dépouille, d’entourer le mort de prières écrites sur les bandelettes, de recommander aux dieux celui dont on est séparé ? Je n’ai pas visité l’Égypte ; mais quand je parcours nos musées égyptiens, je sens que cet immense effort d’un peuple, ces dépenses excessives que s’imposaient les plus pauvres, c’est l’élan le plus ardent qu’ait montré le cœur de l’homme pour retenir l’objet aimé et le suivre dans la mort.

Les religions jusque-là déroulaient leur épopée ; mais, silence, voici le drame. Un génie nouveau se dresse sur l’Europe et sur l’Asie.




Posons la scène d’abord. Cette terre de travail et de larmes, l’Égypte en soi est une fête, et c’est le pays de la joie. Du sein brûlé de l’Afrique, matrice ardente du monde noir, s’ouvre à la brise du nord une vallée de promission. Des monts inconnus descend le torrent de fécondité. On sait la joie fréné-