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Cette extraordinaire bonté est plus qu’individuelle ; c’est la révélation d’un monde. On y sent que la grande Égypte fut comme la fête morale, la joie et le divin sourire de ce profond monde africain, fermé de tout autre côté.

La forme supérieure de l’Afrique, au-dessus du nègre, au-dessus du noir, paraît être l’Égyptien. Si malheureux, si constamment déprimé, depuis les temps de Joseph jusqu’à Méhémet-Ali, jusqu’à nous, le pauvre fellah d’Égypte est un homme d’une intelligence, d’une adresse peu commune. Un mécanicien, employé au service du pacha, nous disait que les indigènes qu’il admit dans ses ateliers lui prêtaient une attention extraordinaire, l’imitaient parfaitement, et devenaient, en quinze jours, d’aussi excellents ouvriers qu’un Européen en deux ans.

Cela même tient à leur douceur, à leur grande docilité, au besoin qu’ils ont de plaire et de satisfaire. Cette race excellente d’hommes ne veut qu’aimer et être aimée. Dans l’immolation cruelle que le pouvoir a toujours faite de l’individu et de la famille, leur tendresse mutuelle semble être d’autant plus grande. La mort précoce de l’homme qui succombe à un travail excessif, l’enfant enlevé par les cruelles razzias de la milice, c’est une suite non interrompue de pleurs, de sanglots et de deuil.