Page:Michelet - La femme.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour moi, je ne connais aucun spectacle plus touchant que cette fille émue (faut-il dire vierge ou femme ?) qui tout à coup se trouve transplantée hors de ses habitudes et de tout son monde connu, dans une autre maison. — C’est, ce sera la sienne. Mais encore faut-il bien qu’elle en prenne connaissance. Jusque-là, tout est étranger. Elle ne sait où tout pose. Chaque meuble neuf lui rappelle le bon vieux meuble de famille qu’elle a laissé là-bas. Son mari, il est vrai, de sa vive personnalité, de sa jeune chaleur, de sa charmante ivresse, illumine et réchauffe tout. Mais, quoi qu’il fasse, il n’est pas toujours là. Qu’il s’absente un moment, tout change ; tout parait vide et solitaire.

L’autre maison, dans sa grande harmonie d’affections multiples, père, mère, frères, sœurs, serviteurs, animaux aimés, était un monde tout fait. Et ceci est un monde à faire. Heureusement, il est ici, l’ardent, le puissant créateur, le vivificateur : Amour.

Il est jaloux. « Si vous voulez, dit-il, créer, commencez avec moi ; si vous voulez que, de mon aile, je vous porte dans l’avenir, ne me liez pas de ce fil trop fort, trop chéri, du passé. La première loi du drame, l’unité d’action, c’est la première loi dans la vie. N’espérez rien de fort que ce qui sera simple. Bien fou qui croit le cœur immense, qui croit qu’en