sur son lit, ce petit lit de fille qui sera vide demain.
Ils ont l’air de lui dire : « Tu pars, et nous restons. Tu pars pour l’inconnu… Tu quittes la maison de la douceur et de la grâce, où tout te fut permis. Quoi que tu fisses, c’était bien ; quoi que tu disses, c’était beau. Ta mère, ton père et tous étaient suspendus à tes lèvres, recueillaient avidement tout ce qui t’échappait. Tes sœurs, comme raison suprême, alléguaient ta parole, tranchaient d’un mot : « Elle l’a dit. » Tes frères étaient tes chevaliers, t’admiraient sans mot dire, n’imaginaient rien au delà, n’aimaient dans les autres femmes que ce qui te ressemblait.
« Maîtresse ! protectrice ! douce nourrice ! qui tant de fois nous faisais manger dans ta main ! où vas-tu et que deviens-tu ?… Tu vas donc avoir un maître. Tu vas jurer obéissance. Tu vas vivre avec l’étranger, avec celui qui t’aime… oui, un jeune homme fier et rude… Son énergique activité, tournée au dehors, que lui laissera-t-elle bientôt pour sa femme et pour le foyer ? L’effort du jour le ramènera souvent triste le soir, souvent amer. Les désappointements, les non-succès, te reviendront en injustes caprices… Cette maison d’amour où tu vas, oh ! que de fois elle sera plus sombre que ta chère maison paternelle ! Tout était si serein ici !