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le réel ; et le reste serait le rêve, la broderie, de vaine poésie, que nous y faisons à plaisir.

Excellente théorie pour stériliser à fond le plus fécond des sujets. Théorie banale, en réalité, malgré le piquant de la forme. C’est toujours la vieille thèse : « L’amour n’est qu’illusion. »

L’amour ! je n’ai rien trouvé de plus réel en ce monde.

Réel, comme seconde vue. Seul il donne la puissance de voir cent vérités nouvelles, impossibles à voir autrement.

Réel, comme création. Ces choses vraies, qu’il voyait, il les faisait telles. Pour la femme, par exemple, il est si doux d’être aimée, que, quand elle s’en aperçoit, ravie et transfigurée, elle devient infiniment belle. Belle on la voit, mais elle l’est.

Réel, comme création double et réfléchie, où le créé crée à son tour. Ce rayonnement de la beauté que notre amour fait dans la femme, il agit et rayonne en nous par nos puissances toutes nouvelles de désir, de génie et d’invention.

Comment le nommerons-nous ? Qu’importe ?… C’est le maître, le puissant et le fécond… Qu’il nous reste, et nous sommes forts. Lui de moins, sur cette terre, nous n’aurions rien fait de grand.