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Pétrarque, dans un très-beau sonnet, de naïve confession, dit à sa Laure qu’elle est pour lui un sublime pèlerinage vers lequel, lui pèlerin, il marche toute la vie. Et il avoue cependant qu’aux chapelles qui marquent la route, il fait halte, et fait aux Madones de courtes prières. — Moi, je ne veux point de chapelles, point de Madones de passage. Je veux qu’à chaque point de la route notre homme voie au loin sa Laure et ne s’en détourne pas.

Je me trompe, Laure elle-même veut qu’il ait d’autres maîtresses. Elle n’en est pas jalouse et consent de partager. Elle sait bien que le cœur de l’homme a besoin de diversité. Elle sait qu’au Jardin des Plantes siège cette ravissante dame aux belles mamelles, la grande Isis ou la Nature, qui enivre les jeunes cœurs. Elle sait qu’aux écoles du Panthéon et partout, son amant poursuivra d’amour la vierge Justice. Bien plus, elle est de leur partie, elle s’intéresse pour elles. Elle le prie, par sa mère, de l’oublier, s’il se peut, pour ses sublimes rivales.

Beau moment, noble moment, où la femme garde de la femme ! où cette jeune fille absente donne courage à celui-ci dans l’étude, les privations ! Grand et très-grand avantage de prolonger les travaux si fructueux de cet âge, de conserver l’énergie au moment où elle est complète, de tenir la coupe pleine. La vie âpre, la sauvagerie d’étude qui fait