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migraine, tout ce qui le dispenserait de sortir avec eux ce soir. Ils s’en vont, et mon jeune homme se met à relire sa lettre, à l’étudier sérieusement, dans la forme et dans le fond, tâchant de voir par l’écriture si la personne était émue, saisissant tel trait manqué ou telle virgule oubliée comme chose significative. Mais la même lettre, lue à telle heure, à tel moment, est tout autre ; hier elle fut passionnée, aujourd’hui d’un froid parfait ; orageuse un jour, l’autre jour, on la croirait indifférente.

Je ne sais qui disait ne regretter rien de sa jeunesse « qu’un beau chagrin dans une belle prairie. » Ajoutons la peine charmante qu’on a à étudier, déchiffrer, interpréter de cent façons l’écriture de la bien-aimée.




« Quoi ! une jeune demoiselle hasarde d’écrire à un jeune homme ? » Oui, monsieur, sa mère le veut. Cette sage mère veut à tout prix soutenir et garder le jeune homme. Mais elle ne goûte nullement la méthode anglaise, qui croit orgueilleusement qu’on rapproche sans danger la flamme et la flamme. Les Suisses, les hommes du Nord, allaient plus loin dans leur grossièreté ; ils trouvaient bon que l’amant passât des nuits avec la fille, qui, donnant tout,