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nuances de l’amour. Aujourd’hui, tout est bref et dur. Le fond du cœur n’a pas changé ; mais, ce peuple surmené par les guerres, les révolutions, la violence des événements, est trop tenté de voir en tout une exécution, un coup de main. Le mariage de Romulus, par enlèvement, n’aurait que trop plu à ceux-ci. Il leur faut des razzias. C’est, je dirais presque, le viol par contrat. Les victimes en pleurent parfois, pas toujours ; elles s’étonnent peu, en ce temps de loteries (loteries de bourse, de guerre, de plaisir, de charité, etc.), d’être aussi mises en loterie. Le lendemain, il n’est pas rare que ces mariages fortuits vous démasquent brusquement comme une batterie imprévue d’irréparables malheurs, de ruine et de ridicule, qui vous frappent en pleine poitrine.

Physiologiquement, de telles unions, souvent impossibles, créent des avortons, des monstres, qui meurent ou qui tuent leur mère, qui la rendent malade à jamais, enfin qui font un peuple laid. Moralement, c’est bien pis. Le père, en mariant ainsi sa fille, n’ignore pas la consolation qu’elle acceptera bientôt. Le mariage, dans ces conditions, constitue, régularise l’universalité de l’adultère, le divorce dans l’intimité, trente années souvent d’ennui, et dans la couche conjugale un froid à geler le mercure.