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nir la pauvre femme, la noble femme, de ces races caricaturées par M. de Chateaubriand.

Il y a une dizaine d’années, un spéculateur américain imagina d’exhiber en Europe une nombreuse famille d’Iovays. Les hommes étaient magnifiques, d’une beauté superbe et royale, dans leurs colliers de griffes d’ours qui constatent leurs combats. Très-forts, non avec de gros muscles de forgerons ou de boxeurs, mais avec d’admirables bras qui semblaient des bras de femmes. Un enfant de dix ans aussi semblait une jolie statue d’Égypte, accomplie, de marbre rouge, mais d’un terrible sérieux. On ne pouvait pas le voir sans dire : « C’est le fils d’un héros. »

Ce qui consolait ces rois d’être montrés sur l’estrade comme des singes, c’était, je crois, leur mépris intérieur pour la riche populace de beaux messieurs qui étaient là à lorgner, légers, mobiles, gesticulateurs, vrais singes d’Europe.

La seule personne de la bande qui parût triste était une femme, la femme d’un renommé guerrier, le Loup, la mère de l’enfant. Elle avait bien souffert là-bas ! combien plus ici ! Elle languit. Elle mourut. Qu’est-ce que la France pouvait pour l’une des dernières, hélas ! de ces femmes infortunées qui ont tant aimé la France ? Rien, qu’un tombeau qui conservât la flamme de ce génie éteint.