Page:Michelet - La femme.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelques bluets. Écoutons, le sujet est grave, il s’agit du droit et de la justice.

Dès longtemps la jeune fille est préparée à le comprendre ; de bonne heure elle a suivi dans l’histoire l’unanimité des nations sur l’idée du juste. Son père, dans la grande Rome, lui montra le monde du droit. Mais ici il ne s’agit plus d’étude, d’histoire, de science. Il s’agit de la vie même. Il veut, dans la crise imminente, dans l’amour qui va venir (violent peut-être, aveugle), qu’elle garde une lumière de justice, de sagesse et de raison. Au fond la femme est notre juge ; son charme, sa séduction, si elle est injuste et fantasque, ne sont pour nous que désespoir. Elle jugera demain, cette belle fille. Dans la forme la plus modeste, d’un petit mot à sa mère, prononcé à demi-voix, elle arrachera des larmes à tel qui ne pleura jamais, — et tel peut-être en mourra.




Celle-ci est si bien préparée et par l’exemple de sa mère, et par les leçons de son père, par l’atmosphère de raison où elle a vécu, qu’elle se livrera moins qu’une autre aux caprices de son sexe. Mais, pour la généralité, on peut dire le mot de Proudhon : « La femme est la désolation du juste. »