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Petit, bien petit ! et pourtant complète y est la vie humaine, dans ce charmant équilibre d’une mère qui ennoblit par le cœur les plus humbles soins, et d’un père sérieux dont la tendresse contenue se trahit souvent malgré lui. À ces éclairs passionnés, elle vibre la jeune fille, et plus profondément encore, elle est touchée de sa constance à lui transmettre, chaque jour, ce qu’il a de bon et de grand.

Elle est femme ; elle est heureuse d’avoir si près trouvé un homme. Elle ne connaissait pas son père, du moins autant qu’aujourd’hui. Elle le voyait tous les jours, écoutait ses instructions, ses fortes et brèves paroles. Mais elle n’en connaissait pas le profond et le meilleur. Chacun de nous est devenu ce qu’ont voulu les circonstances, l’exigence des précédents, de l’éducation, la fatalité du métier. Il a fallu sacrifier beaucoup à la position, aux nécessités de famille. Et ainsi l’homme intérieur, souvent tout autre et bien plus grand, reste au fond presque étouffé. Dans la monotonie de la vie vulgaire où tout cela dort, une vague tristesse accuse la sourde réclamation de cet autre, de ce meilleur moi. Quel doux réveil est-ce donc, plein de charme, quand cette jeune âme qui n’a rien su de nos misères, fait appel à ces puissances contenues, à cette poésie captive, et lui demande secours,