Page:Michelet - La femme.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bas. Tu étais faible et délicate. Nous n’osions, ta mère et moi, te mettre aux prises avec tant d’émotions navrantes, mais aujourd’hui nous serions coupables de ne pas te dire tout.




Alors, je la prends avec moi, et je la mène hardiment à travers cette mer de pleurs qui coule à côté de nous, sans que nous y prenions garde. Je lui déchire le rideau, sans égard au dégoût physique, aux fausses délicatesses. Regarde, regarde, ma fille, voilà la réalité !… En présence de telles choses, il faudrait être doué d’une merveilleuse puissance d’abstraction égoïste pour mener tout seul ses rêves, et son idylle personnelle, une navigation paresseuse sur le fleuve de Tendre et ses bords semés de fleurs.


Elle rougit d’avoir ignoré, elle se trouble et elle pleure. Puis, la force lui revenant, elle rougit de pleurer et de n’agir pas ; la flamme de Dieu lui monte. Et dès lors, elle ne nous laisse plus reposer. Toutes les forces de l’amour, la chaleur de son jeune sang, tournée vers la charité, lui donne une activité, un élan, une impatience, une tristesse de faire si peu. Comment la calmer maintenant ? À sa mère de la diriger, de la suivre, de la contenir. Car, de