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tiques, comme j’ai vu une dame le faire à Granville en 1859. Mais je serais bien heureux si, dans les traverses qui peuvent affliger ta vie tu pouvais trouver un refuge vers ces hautes et pures régions. L’amour du beau est chose tellement propre au cœur de la femme, que se sentir devenir belle, c’est pour se consoler de tout. La pureté, la noblesse, l’élévation d’une vie tournée tout entière vers le vrai, voilà un dédommagement de tous les bonheurs de la terre. Qui sait ? s’en souvient-on encore ?




Nous avons eu ce spectacle dans une admirable enfant, la jeune Émilia, fille de Manin. Elle avait été de bonne heure frappée des coups les plus cruels, et de la perte de sa mère, et de la ruine de son père, du drame terrible de Venise dont elle eut les contre-coups. L’exil et la pauvreté, la vie sombre des villes du Nord, devaient achever. Mais le plus terrible, c’est que cette souffrante image du martyre de l’Italie, qui en eut tous les tressaillements, subissait les accès meurtriers d’une cruelle maladie nerveuse. Eh bien, à travers tout cela, la jeune vierge de douleur gardait sa pensée haute et libre, aimant le pur entre le pur, l’algèbre et la géométrie. C’est elle qui soutenait son père de