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Ce que je te dois de l’histoire, c’est la tienne d’abord, ce que j’ai dû te révéler de ton berceau, et ce qui appuie la base même de ta vie morale. Je t’ai dit d’abord comment tu naquis, les douleurs, les soins infinis de ta mère, et toutes ses veilles, combien de fois elle souffrit, pleura, mourut presque, pour toi. Cette histoire, mon enfant, que ce soit ta chère légende, ton souvenir religieux et ton premier culte ici-bas.

Puis, je t’ai sommairement dit ce qu’est et fut ta seconde mère, la grande mère, la Patrie. — Dieu t’a fait cette noblesse de naître en ce pays de France, dont toute la terre, mon enfant, enrage et rafolle, — personne n’est froid pour elle, — tous en disent du bien et du mal, — à tort ? à raison ? qui le sait ? Nous, nous n’en disons qu’un mot : « On ne souffre gaiement qu’en France. — C’est le peuple qui sait mourir.»

De la longue vie de tes pères, tu sauras la grande chose, si tu sais qu’au moment sacré où la Patrie fut sur l’autel, Paris vint dire à la France le vœu, la volonté de tous : « Se perdre dans le grand tout. »

C’est de cet effort d’unité, que la France fut une personne. Elle sentit son cœur qui battait, l’interrogea, trouva dans ce premier battement la sainte fraternité du monde, le vœu de délivrer la terre.