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Lui, il marche de drame en drame, dont pas un ne ressemble à l’autre, d’expérience en expérience, et de bataille en bataille. L’Histoire va, s’allonge toujours… et lui dit toujours… « En avant ! »

Elle, au contraire, elle suit la noble et sereine épopée que la Nature accomplit dans ses cycles harmoniques, revenant sur elle-même, avec une grâce touchante de constance et de fidélité. Ces retours, dans son mouvement, mettent la paix, et, si j’osais dire, une immobilité relative. Voilà pourquoi les études naturelles ne lassent, ne flétrissent jamais. La femme peut s’y livrer en confiance ; car Nature est une femme. L’Histoire, que nous mettons très-sottement au féminin, est un rude et sauvage mâle, un voyageur hâlé, poudreux. Dieu me garde d’associer trop cette enfant aux pieds délicats à ce rude pèlerinage ; elle se fanerait bientôt, halèterait, et, défaillante, s’assoirait sur le chemin.

L’histoire ! ma fille, l’histoire ! il faut bien que je t’en donne. Et je te la donnerai, franche et forte, simple, vraie, amère, comme elle est ; ne crains pas que, par tendresse, je l’édulcore d’un miel faux. Mais il ne m’est pas imposé, pauvre enfant, de te faire boire tout, de te prodiguer à flots ce terrible fortifiant où dominent les poisons, de te donner jusqu’à la lie la coupe de Mithridate.