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peu insipides. Mais on lui fait remarquer qu’ils n’ont pas tout ce qu’il leur faut. Celle-ci est bien peu vêtue ; il lui faudrait une robe. Celle-là est venue à l’école sans apporter son déjeuner ; car sa mère n’avait pas de pain. Cette autre n’a pas de mère, et son père est mort aussi. La voilà seule à quatre ans. On la nourrit, comme on peut… Là s’éveille le jeune cœur… Sans rien dire, elle la prend, et se met à l’arranger. Elle n’est pas maladroite. On dirait qu’elle a tenu des enfants toute sa vie. Elle la lave, elle la baise, elle va lui chercher du pain, du beurre, des fruits, tout ce qu’elle a… Werther aima en voyant Charlotte donner une tartine aux petits. Il m’en fût arrivé autant.

L’orpheline l’intéresse aux autres. L’une est jolie, l’autre si sage ! en voici une de malade, une autre a été battue, et il faut la consoler. Toutes lui plaisent, toutes l’amusent. Quel bonheur d’avoir en main ces délicieuses poupées, qui parlent, celles-ci, rient et mangent, qui ont déjà des volontés, qui sont presque des personnes ! quel plaisir de les faire jouer ! Et, sous ce prétexte, voilà qu’elle se remet elle-même à jouer, la grande innocente. — Même à la maison, elle y pense ; plus de rêverie, elle est vive, elle est gaie et sérieuse à la fois, comme on le devient lorsqu’on a tout à coup un vif intérêt dans la vie. Elle ne va plus seule maintenant, elle cherche sa