Page:Michelet - La femme.djvu/151

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il faut dire à votre enfant ces lois nécessaires de la vie. Ce serait une sotte réserve de lui laisser ignorer l’alternation de la substance, sa circulation naturelle. Nos dédaigneuses demoiselles qui ne connaissent les plantes que pour les couper, ne savent pas que la fleur mange aussi bien que l’animal. Comment vivent-elles, elles-mêmes ? Elles se gardent de le deviner. Elles ont bon appétit, absorbent, mais sans reconnaissance, sans songer au devoir de restituer. Il le faut pourtant, par la mort surtout ; et il le faut constamment par la série de sueurs, de mues, de diminutions de nous-mêmes, de pertes et petites morts quotidiennes que nous impose la nature, au profit des vies inférieures.

Ce circuitus fatal n’est pas certes sans grandeur. Il a un côté fort grave, qui touchera le cœur de l’enfant d’une salutaire émotion, c’est que notre affaiblissement de chaque jour nous condamne à chercher la force où elle est accumulée, chez les animaux nos frères, et à vivre de leur vie.

Double leçon. Nullement inutile à la jeune fille, au premier élan d’orgueil que donneront l’âge et la beauté, l’intensité de la vie, qui leur font penser par moments : « Je suis ; le reste est peu de chose. La fleur et le charme du monde, c’est moi, et le reste un rebut. »

Fleur ? beauté ? jeunesse ? d’accord. Oui, mais