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Ainsi, chère, si tu m’as compris, tu as vu que, sous ce cercle brillant de l’évolution annuelle où chacune a un moment pour se montrer au soleil, un cercle muet, plus sombre, se fait dans l’intime intérieur par l’échange des douces sœurs, chacune se retirant sans jalousie et passant la vie aux autres.

Monde de paix et d’innocence, de résignation. Mais les êtres supérieurs, soumis à la même loi, ont peine à s’y prêter de même. — « Cependant, dit la Nature, qu’y faire ? ce n’est pas ma faute. Je n’ai que cela de substance à partager entre vous tous, mais pas plus ; je ne puis pas augmenter à volonté. Il est juste que chacun en ait un peu à son tour.

« Donc, dit-elle, aux animaux, vous, favoris de la vie, tellement privilégiés d’organisme supérieur, vous n’êtes pas pour cela exempts de nourrir vos sœurs les plantes, qui, reconnaissantes, gracieuses, en revanche vous nourrissent chaque jour. À vous de payer un tribut (seulement ce qui ne vous profite). Vos mues, à certaines saisons, seront un tribut encore. Vos débris enfin, à la mort… Ce sera le plus tard possible. Je vous ai donné des moyens d’aviser à le retarder. Mais il faudra bien y venir… Car je ne puis pas faire mieux. »

Voilà qui est raisonnable, n’est-ce pas, ma fille ? Et le père de la Nature, Dieu qui t’a faite et douée, qui t’a donné des mains adroites (ou propres à le