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Ce qu’elle ne voit pas encore, et ce qui est bien autrement grave, c’est que, chez cette race française, si précoce (où j’ai vu des nourrissons amoureux dans le berceau), l’éveil des sens est provoqué directement par ce régime. Loin de fortifier, il agite, il affaiblit et énerve. La mère trouve plaisant, joli, d’avoir une enfant si vive, qui déjà a des reparties, et une enfant si sensible qui, au moindre mot, s’attendrit. Tout cela vient d’elle. Surexcitée elle-même, elle veut que l’enfant soit telle, et elle est sans le savoir, la corruptrice de sa fille.

Tout cela ne vaut rien pour elle, madame, et guère mieux pour vous. Vous n’avez pas le courage, dites-vous, de manger rien, sans qu’elle ait sa part. Eh bien ! vous-même abstenez-vous, ou du moins modérez-vous dans l’usage de ce régime, bon pour l’homme fatigué peut-être, mais funeste à la femme oisive, régime qui la vulgarise, la trouble, la rend violente, ou somnolente, alourdie.

Pour la femme et pour l’enfant, c’est une grâce, une grâce d’amour, d’être surtout frugivore, d’éviter la fétidité des viandes et de vivre plutôt des aliments innocents qui ne coûtent la mort à personne, des suaves nourritures qui flattent l’odorat autant que le goût. La raison fort raisonnable qui fait que ces chères créatures n’inspirent répu-