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on l’a vu, l’idée profonde, originale, que Frœbel posa le premier. « L’enfant, laissé au chaos des premières impressions, en serait très-malheureux. C’est pour lui une délivrance qu’à cette confusion fatigante la mère substitue un petit nombre d’objets harmoniques, qu’elle en ait l’initiative et les lui amène par ordre. L’ordre est un besoin de l’esprit, un bonheur pour l’homme enfant. »

Les mouvements déréglés, l’agitation effrénée, ne sont pas plus nécessaires au bonheur de l’enfant grandi que le chaos des sensations confuses ne l’a été au nourrisson. J’ai bien souvent observé les petits malheureux qu’on laisse au hasard de leur fantaisie, et j’ai été frappé de voir combien la vaine exultation, le dévergondage, les fatiguaient bientôt eux-mêmes. Au défaut de contrainte humaine, ils rencontraient à chaque instant la contrainte des choses, l’obstacle muet, mais fixe, des réalités ; ils se dépitaient en vain. Au contraire, l’enfant dirigé par une providence amie et dans l’ordre naturel, ne rencontrant que rarement la tyrannie de l’impossible, vit dans la vraie liberté.

L’usage habituel de la liberté dans l’ordre, a cela d’admirable que tôt ou tard il donnera à la nature la noble tentation de subordonner la nature même, de dompter la liberté par une liberté plus haute, de vouloir l’effort et le sacrifice.