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était une chose tellement nouvelle et inouïe, qu’elle semblait généralement plus bizarre que touchante. Plusieurs la trouvaient ridicule. Beaucoup ne voulaient y voir qu’une comédie politique, une manière de flatter le peuple ; mais le peuple, les paysans même, ne sentaient pas tout d’abord ce qu’il y avait en cela de véritable grandeur.

Kosciusko, étranger à toute adresse politique, n’avait suivi en ceci que le mouvement de sa grande âme. Il lui semblait odieux, au milieu d’une foule si pauvre, de se présenter en roi de théâtre, de faire de pompeux banquets quand ils avaient à peine du pain. Tout son cœur était dans le peuple ; comment sa vie eût-elle été étrangère à la sienne ? Plus la crise approchait et le jour de mourir ensemble, plus il semblait naturel de vivre ensemble aussi du même pain, à la même table ; chaque repas était comme une communion entre le chef et le peuple, une préparation à bien mourir.