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malheureux, et tremble ! -Des étoiles ? dit le cordonnier ; j’en vois bien d’autres au ciel, monseigneur, et ne tremble pas. "

C’était un homme simple et pieux autant qu’intrépide. On ne pouvait lui reprocher qu’une chose : marié et père de famille, il gardait un cœur trop facile ; ses mœurs n’étaient pas exemplaires. En récompense, le fond de son caractère était d’une extrême bonté. Dans les Mémoires qu’il a écrits, il ne blâme, n’accuse personne ; c’est le seul auteur polonais qui ait cette modération. Il semble qu’il ait regret au sang qu’il lui faut répandre. Il évite le mot tuer. Il dira, par exemple, qu’il lui a fallu apaiser un officier russe, puis tranquilliser un Cosaque, et mettre un autre en repos.

Kilinski et les autres patriotes de Varsovie étaient dans la plus vive impatience d’éclater. Un événement. précipita la crise. On licenciait l’armée. Le 12 mars, un vieil officier, brave et respectable, Madalinski, déclara qu’il n’obéirait point. Il n’avait que 700 cavaliers ; avec ce petit corps, il traversa hardiment toute la Pologne, culbuta les prussiens qui s’opposaient à son passage, se jeta dans cracovie.

L’heure était sonnée. Kosciusko, alors sorti de Pologne, revint à l’instant ; il parvint à Cracovie dans la nuit du 24 mars 1794. Toute la ville était levée, toute la population l’attendait avec des torches, et le conduisit en triomphe. Fête sublime d’enthousiasme, et toutefois